Enseigner au Tchad a été une expérience surprenante. Voici pourquoi (partie 1)
C’était la fin de la journée scolaire et les étudiants avaient tous été pris en charge par un parent ou une tierce personne désignée. J’avais visuellement inspecté ma classe pour déterminer si la chanson du « nettoyage » avait effectivement encouragé les étudiants à ranger les blocs de construction et les casse-tête. Même si le refrain répétait « tout le monde doit faire sa part », pour les 2 ou 3 ans, la définition du mot « part » était aussi nébuleuse que d’essayer de savoir si la posture immobile et le regard calme d’un enfant étaient le début d’une bouderie silencieuse ou d’une colère.
Aujourd’hui, cependant, les boîtes avaient été soigneusement rangées dans leurs casiers et, à l’exception de quelques chaises renversées, la procédure de sortie avaient été respectée. Satisfaite de moi-même, je m’assis et concentrai mon attention vers les préparatifs du lendemain.
Une invitation inattendue
C’est alors que quelqu’un frappa à la porte. Comme dans la plupart des salles de classe du rez-de-chaussée, les portes étaient habituellement fermées pour éviter la chaleur de 40 degrés et les petits lézards qui tentaient de se faufiler à l’intérieur, à la recherche d’un peu de fraîcheur et de répit pour se réchauffer. (Aussi inoffensifs qu’ils fussent, je me retrouvais toujours au sommet d’une table à la simple vue du plus petit d’entre eux ! La visite de courtoisie fut suivi de l’entrée d’un des agents de sécurité de l’école et d’un monsieur vêtu de l’habit traditionnel : large pantalon de coton et caftan.
Il ne portait cependant pas le couvre-chef islamique. « Salem alekum » me salua-t-il, « Alekum Salem » lui répondis-je. Il me remit une enveloppe et déclara que la Première Dame m’invitait à déjeuner à la villa présidentielle. Après avoir saisi calmement l’enveloppe, je dus murmurer une réponse appropriée car il s’inclina, fit demi-tour et sortit de la pièce. Dans un vertige, j’ouvris l’enveloppe délicate et élégante pour trouver une invitation joliment écrite à la main, en langue anglaise, et signée par la Première Dame en personne.
Je savais que des enfants de la famille présidentielle étaient inscrits à l’école et que le fils unique de la Première Dame était l’un d’eux. Cependant, comme celui-ci était en primaire supérieur, je n’avais jamais croisé son chemin. D’ailleurs, c’était mon premier trimestre à l’école. Comment aurait-elle pu savoir qui j’étais, seule et non considérée comme quelqu’un avec qui « partager le déjeuner » ? C’était bien avant L’ère de Twitter et de la transmission fulgurante des approbations au moyen de « J’aime » et de « Pouces levés ». Il devait certainement s’agir d’un certain James Bond, style 007, d’un processus de collecte d’information « petit oiseau » et d’une demande officielle d’ami.
La vie au Chad
Nous étions en 2005 et je venais juste de commencer à travailler à l’American International School au Tchad en tant qu’enseignante et coordinatrice de programme. Je deviendrais par la suite directrice de l’école. Avant de m’installer au Tchad, j’avais enseigné dans trois autres pays et les surprises qui accompagnaient le travail dans des contextes multiculturels différents ne m’étaient certainement pas étrangères. Ce qui m’avait toujours étonnée, cependant, était la nature imprévisible de ces surprises. Chaque séjour dans un pays différent était défini par des expériences uniques et sans précédent. Et ce n’était pas seulement le paysage culturel qui variait.
Le contexte éducatif offrait également d’immenses possibilités d’apprentissage aux praticiens. Alors que les écoles étaient en grande partie définies par le programme d’études qu’elles offraient, les processus d’enseignement et d’apprentissage portaient des empreintes digitales uniques éclairées par une myriade de facteurs. Les écoles américaines de programmes d’enseignement, pour la plupart, appliquaient des programmes d’apprentissage basés sur des normes, mais n’employaient généralement que quelques enseignants certifiés aux États-Unis.
La majeure partie du personnel enseignant se composait donc d’enseignants recrutés localement, ce qui ajoutait des dimensions très intéressantes à la prestation des cours, aux activités parascolaires, aux interactions parents-professeurs, aux relations entre enseignants et, plus particulièrement, à toutes les formes de communication. Il en va de même pour les écoles britanniques. D’autres écoles possédées et gérées par des ressortissants étrangers tels que les Turcs, les Indiens, les Pakistanais, et les étrangers résidant dans le pays disposaient de programmes d’enseignement moins définis, mais partageaient très certainement un environnement de travail fascinant, si ce n’est plus.
La diversité des programmes d’études, du personnel, de la population étudiante et de la culture locale a permis de créer un environnement dynamique propice à un type d’apprentissage qu’aucun processus de formation des enseignants ni diplôme éventuel ne pourrait comprendre et encore moins traduire. Lorsque j’ai emménagé au Tchad et accepté le poste à l’école américaine, j’étais presque certaine que les deux années que j’y passerais seraient très médiocres par rapport aux autres expériences passionnantes et colorées vécues dans les pays précédents. J’avais tort. Je n’avais pas encore compris que le monde de l’éducation internationale était une histoire véritablement fascinante et sans fin.
Ainsi, quelques jours plus tard, j’étais là, accueillie à la résidence présidentielle par une première dame incroyablement belle. Le président en personne s’est même arrêté pour me saluer ! Je ne savais alors pas que d’autres aventures m’attendaient.